Soundbeat Magazine
Jerk signifie « branleur » en anglais. Devant nous, assis sur une chaise avec rien autour, il est là pour nous raconter comment lui et ses deux amis ont torturé à mort des garçons de leur lycée dans une cave. La performance du comédien, marionnettiste et ventriloque, Jonathan Capdevielle, retournera l’estomac à quiconque passera la porte du théâtre La Chapelle d’ici le 20 février 2010.
La metteure en scène française, Gisèle Vienne, mentionne que le titre de la pièce est drôle, à la vue de l’histoire. « Rire de l’atroce permet de s’en distancier », dit-elle. N’empêche que le récit nous glace au fur et à mesure que le comédien incarne son personnage, David Brooks et les différentes marionnettes. « La pièce commence comme une blague, on ne sait pas quand la fiction va prendre le dessus », raconte le comédien.
Dennis Cooper
Jerk est tiré d’une nouvelle de l’Américain Dennis Cooper, écrite en 1992, à partir d’un fait divers survenu au Texas en 1970. En partant d’une base réelle, les artistes ont voulu amener le spectateur à s’interroger sur les notions de fiction, de fantasme et de réalité. « La perception de l’histoire change pendant la pièce : au début il y a les marionnettes puis la ventriloquie et David qui craque. On s’interroge sur le délire du personnage et... du comédien.
La performance est saisissante, le sexe et le meurtre se côtoient sans cesse. La réalité macabre de ces jeunes défoncés prend tout son sens lorsque Dean découpe Jemmy « avec un sourire sexy ». Le pouvoir de suggestion des sons émis par l’acteur nous projette dans la tête des trois adolescents. Le rapport intimiste aux voix s’instaure très vite. Jerk a d’abord été une pièce radiophonique, commandée par Radio-France en 2007.
Effrayant et stimulant, à la fois
Le travail de Gisèle Vienne scrute les limites de sa sensibilité. « Le but n’est pas de s’abîmer, ni de se perdre. La presse accapare les faits divers, le lecteur les consomme de façon hypocrite : c’est de l’info. Placer l’horreur dans un contexte artistique permet de dialoguer avec nos pulsions les plus sombres », explique-t-elle.
Les deux complices se sont connus il y a 15 ans à l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Depuis ils travaillent ensemble. « Jerk est un travail hautement technique qui demande une importante confiance mutuelle. L’exercice est casse-gueule, si Jonathan n’est pas juste, c’est tout simplement catastrophique », dit-elle.
« Pourquoi suis-je là ? » se demande une spectatrice. Pour le jeu fascinant du comédien ou son talent de représentation du morbide... La schizophrénie du marionnettiste fait froid dans le dos. Les yeux de David sont de plus en plus perdus. Le théâtre se révèle, une brèche s’est ouverte. « Je suis toujours étonnée du succès de la pièce ! » s’exclame Gisèle Vienne. –
Jerk jusqu’au 20 février à La Chapelle
Par la compagnie De l’Autre Côté du Miroir (Grenoble, France)
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